Le podcast connait un véritable succès depuis deux ans, autant chez les auditeurs qui deviennent rapidement ‘accro’ au format, que chez les créateurs qui se prennent de passion pour ce média, sans forcément posséder des compétences en technique du son.
Une fois tombé dans la marmite du podcast, il est ensuite difficile de s’en passer. Il se joue une dimension passionnelle que l’on retrouve d’ailleurs dans le langage avec des expressions comme « passion podcast », « podcast lovers », « podcast addict »…
La nouveauté du format et ses nombreux avantages pratiques expliquent en partie cet engouement, mais peut-être répond-il aussi à un besoin plus profond et urgent de notre société moderne.
Dans cet article, j’explore d’un point de vue sociologique, deux tendances émergentes, à mon sens, fondamentales dans le succès du podcast : un retour à l’oral et au vivant, favorisé par l’émergence de l’intelligence artificielle.
Le récit oral, une pratique humaine ancestrale
Le podcast renoue avec une pratique vieille comme le monde : celle d’écouter des histoires. L’oralité est un des fondements de notre société. Les récits oraux, qu’ils soient réels ou imaginaires existent depuis des millénaires, et sont apparus bien avant l’invention de l’écriture, puisque la parole était le principal moyen de transmettre des informations.
Si on remonte à l’homme préhistorique, la parole a d’abord permis à l’homme de communiquer des informations vitales pour prévenir d’un danger imminent (comme la menace d’un animal sauvage), mais aussi des informations devenant de plus en plus complexes et abstraites.
Petit à petit, l’homme s’est organisé et a développé des méthodes pour répondre à de nouveaux enjeux, comme celui de léguer son savoir. Tout ce qu’un peuple voulait conserver (que ce soit son savoir-faire, ses croyances, son histoire, ses traditions) devait être raconté. Et cette transmission orale a aussi permis de nouveaux changements culturels, le développement des relations sociales, de la religion et de l’art.
D’après les anthropologues, la tradition orale remplissait deux fonctions fondamentales : transmettre le savoir mais aussi favoriser la cohésion sociale entre les groupes.
Mais l’oral a montré des limites insurmontables à l’époque : la parole est éphémère, elle nécessite une communication en face à face qui ne peut être conservée… On peut transmettre les informations oralement, mais quand la personne meurt, la communication est rompue et les messages sont perdus.
Pour compenser ces limites, nos ancêtres ont développé l’écriture. Il y a 40.000 ans, ils ont commencé à graver et peindre pour laisser un message qui reste et traverse les siècles, comme les peintures rupestres que l’on peut encore admirer.
De ces traces laissées sur les murs des cavernes commence à émerger un système d’écriture qui vient également répondre à un véritable « besoin » d’évolution avec le développement d’une société de plus en plus hiérarchisée, l’émergence des religions, les échanges commerciaux nécessitant comptabilité et mesure : c’est là que l’homme se détache de la transmission orale pour entrer pour plusieurs siècles dans l’ère de l’écriture.
Comme vous le savez, c’est un énorme succès… on invente l’alphabet, l’imprimerie, les livres, les mails, etc. si bien qu’en Occident, on devient une société de l’écrit. Tout passe par l’écriture : on formalise, on s’envoie des lettres, on écrit des livres, on échange des mails, on envoie des sms…
Mais l’écriture alphabétique bien que très ingénieuse n’est jamais parvenue à traduire toute la dimension de l’oralité. Certes, une bonne typographie aide le lecteur à se repérer dans le texte avec des virgules, des points d’exclamation, des parenthèses… Mais l’écriture ne pourra jamais exprimer efficacement la personnalité de celui qui parle, la chaleur de sa voix, les émotions qu’il transmet…
L’écrit a également ses limites car il ne permet qu’une simple transposition de l’oral. Il ne peut pas reproduire exactement la parole, il la traduit et trahit de fait le message initial de l’émetteur.
Revenir aux sources, renouer avec le vivant
Aujourd’hui, l’humanité ressent un besoin urgent à revenir à ses fondamentaux, car elle s’en est tellement éloignée qu’elle en a perdu de vue sa propre essence.
Notre société moderne a construit deux mondes : le monde matériel des objets, de la technologie et celui des humains.
Avec l’industrialisation et la société de (sur)consommation, nous avons privilégié le rapport avec les choses qui a nui considérablement aux relations entre les hommes, contrairement aux sociétés traditionnelles qui ont continué à privilégier les rapports humains.
Tous les peuples, partout dans le monde ont raconté des histoires non écrites et continuent à le faire pour se divertir, partager, apprendre, se souvenir ou juste pour passer le temps et in fine créer du lien avec l’autre.
Les psychologues et les neuroscientifiques étudient plus amplement l’affection humaine pour le récit oral. Et il semblerait qu’elle soit enraciné dans notre histoire en tant qu’animal social. Les histoires ont d’ailleurs un pouvoir unique pour persuader et motiver (cf. le storytelling en marketing), parce qu’elles font appel à nos émotions et à notre capacité d’empathie.
Aujourd’hui, les livres, le cinéma, la télévision et le théâtre sont les moyens modernes de transmettre des histoires. Et le podcast s’inscrit dans cette lignée, mais en y apportant une dimension humaine et authentique plus forte. Sans l’image, on peut se concentrer sur la voix, l’intonation, l’émotion, favoriser la proximité et l’intimité pour se mettre plus facilement en empathie, grâce à un format qui casse les codes pré-établis.
Et c’est probablement ce que l’on recherche aujourd’hui, en ces temps de changements et de pertes de repères.
Le podcast est un format qui porte le récit oral et la voix humaine, que ce soit une interview, un témoignage, une fiction ou une simple narration, il répond ainsi à des besoins plus profonds des sociétés modernes. Il nous offre l’opportunité de renouer avec cette pratique ancestrale fondamentale et délaissée dans notre société : l’oralité et la transmission, et par là un retour au vivant et aux relations humaines.
Tout simplement, on ne communique pas les mêmes choses et de la même manière par oral et par écrit.
L’intelligence artificielle au service du vocal
Aujourd’hui, le dialogue homme-machine (et le monde matériel) se réinvente avec l’intelligence artificielle.
Rappelez-vous, dans les années 80, l’homme s’est mis à taper sur un clavier pour écrire. Dans les années 2 000, les doigts deviennent plus libres et se mettent à toucher les écrans (dialogue transactionnel). Et grâce à l’intelligence artificielle, les mains se libèrent complètement et le vocal permet de réaliser des actions par le son de la voix. Nous entrons dans l’ère du dialogue conversationnel, où nous parlons désormais oralement avec les machines. Vous le constatez vous-même, la voix prend de plus en plus de place dans notre quotidien connecté : nous parlons à Siri, à nos assistants personnels ou encore à nos enceintes connectées. On délaisse les SMS écrits pour envoyer des messages audio, plus rapides et moins ambigüs.
L’intelligence artificielle sur laquelle repose ces assistants vocaux vient booster les forces de l’oral et effacer ses limites (jusqu’ici compensées plus ou moins bien par l’écrit) :
- Sa rapidité : on s’exprime plus vite à l’oral qu’à l’écrit, facilitant ainsi la communication.
- Son efficacité : l’oral délivre un message brut, laissant moins de place aux ambiguités et aux risques sociaux.
- Sa dimension intuitive : les codes de l’oral sont accessibles à tous, quel que soit l’âge ou le niveau d’étude, offrant ainsi une plus grande démocratie digitale.
- Sa performance : les robots ne cessent de développer leur compréhension des mots oraux, qu’ils sont aussi capables de retranscrire à l’écrit. Le message oral a désormais une portée qui fait le tour du globe (voir au-delà) et il peut se conserver !
Les assistants vocaux qui reconnaissent aujourd’hui neuf mots sur dix, libèrent nos mains et notre regard des écrans, simplifient aussi l’accès aux contenus, levant ainsi l’un des principaux freins à l’écoute sur Internet au profit des podcasts.
Le nombre de haut-parleurs intelligents dans les foyers et les entreprises a quasiment doublé en 2019. Et la progression devrait se poursuivre à un rythme soutenu au cours des prochaines années jusqu’à dépasser les ventes mondiales de tablettes, en déclin constant depuis 2014.
Ce retour au vocal via les assistants vocaux s’inscrit dans cette évolution de notre société, non pas en favorisant les échanges dénués d’émotions avec des machines, mais en permettant à l’homme de se détacher des écrans, en libérant ses mains et son regard.
Le podcast s’inscrit dans cette tendance du retour au vivant, à l’authenticité, aux émotions. Il remet au goût du jour la tradition orale longtemps minorée dans nos sociétés modernes au profit du matériel. L’homme moderne s’est longtemps coupé de ce besoin d’entendre des récits (laissé aux enfants), de partager des émotions, de créer des liens. Il ressent aujourd’hui le besoin de le réinventer en décuplant ses composantes.
Les entreprises aussi vont se vocaliser via les assitants vocaux dans les bureaux et l’utlisation du podcast pour transmettre, former, informer et libérer les collaborateurs de l’aliénation aux écrans.
Le podcast de marque a donc de beaux jours devant lui en entreprises et en dehors de ses murs. Il permettra de répondre à ce besoin d’humaniser l’entreprise en s’appuyant sur l’ère conversationnelle qui s’ouvre à nous.
Cet article est issu de la chronique #1 du podcast Part de Voix, qui décrypte les podcasts de marque. Ecoute la chronique :
Quelles stratégies de naming pour les podcasts de marque ?
Aspirationnels, descriptifs, longs ou courts…Les noms des podcasts de marque répondent à une stratégie de naming spécifique. Petit tour d’horizon des façons de faire des marques.
Comment choisir le bon nom pour son podcast ?
Comme tout support de communication, le podcast répond à des objectifs de départ et à un positionnement défini en amont, qui doivent se refléter dans le choix d’un nom évocateur.